Je vous présente, Jérémy.
Jérémy a 41 ans, c’est un homme blond, 1m82, 78kg, sportif, l’homme friendly des soirées d’été, souriant, attentif aux autres et … stressé.
Il est marié à Isabella, 39 ans, brune, espagnole, 1m73, nous ne connaîtrons pas son poids, déjà nous connaissons son âge..
Ils forment un couple européen, plutôt en accord, carrément heureux même.
Ils ont un petit garçon Sandro, franco espagnol, âgé de 8 ans.
Jérémy est bien le père.
… la question ne se posait pas mais le corps médical s’en est chargé, par le passé, lors d’un banal diagnostic d’irruption tropicale…
Jérémy dirige JellyFish, un concepteur d’accessoires aquatiques très démarqués avec une forte capacité à innover.
Çà c’était l’idée de départ.
Depuis JellyFish est devenu un importateur de palmes, tubas et autres chinoiseries.
JellyFish rayonne à travers l’Europe. Çà marche plutôt bien.
Parfois Jérémy se dit : « si çà pouvait capoter, j’aurais une bonne raison de changer. »
Bien sûr, il pourrait vendre ses parts, majoritaire à 51% (ouf) ; mais quelque chose d’invisible l’attache à cette foutue boite.
Actuellement Jérémy fait sa rentrée. Enfin cela fait un mois qu’il est rentré ou plutôt qu’il rentre. Un mois qu’il boite avec ses chaussures en cuir, un mois qu’il supporte ce p***** de col qui le gratte, un mois qu’il garde secrètement dans le coffre de son break du… sable.
Ah çà du boulot, il est débordé.
Même pas une crise à se mettre sous la dent. Même pas un coup d’état éthique.
Bref, il s’emmerde Jérémy, oui il s’emmerde. Et surtout n’en parlez pas …
Il a le sentiment que c’est la rentrée de trop, il étouffe.
Oui cet homme en haut des marches étouffe, celui qui décide, qui a la vision de son entreprise, qui défend son projet, qui mène ses équipes, celui qui a une liberté inaccessible, et bien il étouffe.
Il a comme une cage au dessus de lui, une cage qui lui permet d’être en sécurité, qui lui permet de voir à l’extérieur, mais qui l’empêche de sortir.
Un jour, il en parle à son miroir vivant. Oui, Jérémy a un miroir vivant à qui il parle souvent. Personne ne le sait.
Et un jour son miroir lui demande : « mais pourquoi as-tu une cage Jérémy ? »
« POURQUOI ??? » répond-il
« Parce que j’ai tous ces gens autour, auxquels je dois rendre des comptes, j’ai même pas le droit de changer de bagnole parce que j’ai dit à tout le monde qu’il fallait serrer les vis et les boulons pour éviter une envolée des salaires. Je me sens comme un lion en cage ! »
Offrons-nous une parenthèse ( )
Si nous réfléchissons, nous avons tous une cage, elle est culturelle, éducationnelle, religieuse, familiale, hiérarchique, sociétale, entrepreneuriale.
Elle prend la forme d’engagements, de comptes à rendre, de liens sociaux, d’images, de croyances, d’étiquettes collées, de peurs, de freins intérieurs ou de boulets aux pieds.
Essayez d’enfermer un chat dans la salle de bain une journée entière, le soir il vous saute à la gorge, laissez-lui la porte entrouverte, il ne quitte pas la salle de bain.
Jérémy réfléchit.
Cette histoire de porte entrouverte l’a interpellé. Il se dit que ses salariés, comme lui, sont dans une cage ; pas forcément la même, ni la même taille, ni la même forme.
Il réfléchit à ce qui est important.
Il se dit, que ce qui est important, c’est que ses salariés s’y sentent à leur aise, qu’ils aient une distance aux parois suffisamment grande pour qu’au milieu ils puissent bouger les bras et les jambes, se déplacer, courir, penser, rire et être fier.
Il se dit que ce qui est important aussi, c’est qu’ils cultivent des plaisirs à l’intérieur de leur périmètre.
Et il se dit lui même qu’il a besoin d’une porte pour en sortir de temps en temps … ou pas.
« Jérémy, si tu imagines une porte entrouverte à ta cage, quel angle devrait-elle avoir ? »
A suivre.
JellyFish by Philippe Hellégouarc’h.
« L’entreprise se dévoile »